Crypto : Eliezabeth Warren critique sévèrement le GENIUS Act

Le GENIUS Act, ce cadre réglementaire censé offrir un nouveau souffle aux stablecoins, est accueilli comme une victoire stratégique par les républicains et Donald Trump. Pour eux, il conjugue innovation, souveraineté numérique et puissance du dollar. Une crypto-victoire, à leurs yeux. Mais faut-il s’y fier ? Une voix dissonante et incisive se détache : celle d’Elizabeth Warren. La sénatrice démocrate alerte, dénonce, et n’avance jamais sans munitions. Derrière ses critiques, c’est un système qu’elle met en accusation.

Le retour d’un scénario déjà vu, version crypto

Elizabeth Warren agite un spectre : celui d’un désastre financier à répétition. En évoquant le Commodity Futures Modernization Act de 2000, elle ravive la mémoire d’une régulation laxiste ayant pavé la voie à la crise de 2008. À ses yeux, le GENIUS Act suit un schéma identique, cette fois dans l’univers crypto.

On a déjà vu ce film, quand l’industrie rédige ses propres lois. 

En 2000, rappelle-t-elle, l’industrie des produits dérivés a soumis au Congrès un texte faible qui a donné l’illusion d’un encadrement. Résultat : une bulle qui éclate huit ans plus tard. Aujourd’hui, c’est le secteur crypto qui joue le même rôle, en offrant un cadre légal taillé sur mesure.

En 2000, l’industrie des produits dérivés a remis aux législateurs un projet de loi qui régulait faiblement le secteur tout en donnant l’illusion d’un appui gouvernemental.  

Pour Warren, la stabilité promise par le GENIUS Act pourrait masquer une permissivité dangereuse. Les stablecoins, adossés au dollar mais émis par des firmes privées, pourraient bien devenir les nouveaux subprimes.

Une économie façonnée pour enrichir les puissants

Elizabeth Warren ne se contente pas de critiquer une loi : elle révèle un système. Elle accuse Trump d’instrumentaliser la régulation crypto pour son profit personnel, en contrôlant à la fois la monnaie et ses arbitres. « Trump utilise la présidence pour s’enrichir grâce aux cryptos, et il le fait au vu et au su de tous », martèle-t-elle.

Elle dénonce une présidence où l’intérêt privé prévaut sur le bien commun. La dissolution de l’unité crypto du Département de la Justice, la pression sur la SEC et la nomination d’alliés issus de l’industrie forment, selon elle, un cocktail dangereux.

Donald Trump est le premier président de l’histoire américaine à promulguer une loi qui le place à la tête des régulateurs chargés de déterminer la valeur d’une grande partie de sa propre fortune. 

L’économie américaine, dans cette configuration, devient l’outil d’un enrichissement sans garde-fou. Warren le dit clairement : cette loi ne protège pas les citoyens, elle institutionnalise un conflit d’intérêts.

Derrière la régulation : un nouveau pouvoir sans contrôle

Au-delà des promesses de stabilité, le GENIUS Act ouvre la porte à une nouvelle forme de finance, où les stablecoins deviennent des quasi-banques. Sergi Basco, professeur d’économie, met en garde : « Il n’est pas certain que les émetteurs de stablecoins privés soient suffisamment encadrés pour éviter des paniques bancaires potentielles ».

La panique autour de la Silicon Valley Bank en 2023 en est un triste rappel. Là aussi, des actifs jugés sûrs n’ont pas suffi à éviter la ruée des clients. La confiance, clé de toute économie, vacille plus vite qu’on ne le pense.

Warren ajoute que ces stablecoins pourraient induire en erreur : « Le public pourrait croire à tort que le gouvernement couvre ces monnaies ».

Éléments clefs à retenir : 

• 98 % des stablecoins sont adossés au dollar, mais la majorité des transactions ont lieu hors des États-Unis ;
• Les stablecoins donnent l’illusion d’une stabilité étatique, tout en échappant aux règles bancaires classiques ;
• Trump a lancé ses propres cryptos tout en imposant une loi favorable à leur expansion ;
• L’illusion de sécurité pourrait déclencher une crise mondiale si la confiance disparaît.

Warren appelle à la vigilance : ce qui est présenté comme une innovation pourrait devenir un levier d’instabilité bien réel.

Le GENIUS Act incarne une ambition : relancer le dollar numérique et redonner un avantage compétitif aux États-Unis. Mais derrière ce dessein se cache une architecture complexe, instable et potentiellement dangereuse. Selon Amundi, ce projet pourrait même fragiliser le système financier mondial si les flux se déplacent massivement vers les stablecoins privés. À vouloir sauver le dollar, les États-Unis risquent de déstabiliser l’économie qu’il dominait encore.